10/29/2016

Mémoire - recueil 1 - Bergson, Freud, Kundera, Pontalis

Photo credit : JiSun LEE / 2016.07.29 / Paris 
(exhibition view of Michel Houellebecq at Palais de Tokyo)

« La mémoire est un lieu magique où coexistent jadis et maintenant, l’absence et la proximité, la cause et l’effet, les vivants et les morts. Par elle, les êtres sans ubiquité, sans longévité que nous sommes tiennent ensemble tous les moments, tous les lieux, s’élèvent, un instant, au-dessus d’eux-mêmes. »
- Pierre Bergounioux

< Nous avons du mal à admettre que la mémoire où nous voulons voir une conservation du passé soit une construction. >
- J.-B. Pontalis, En marge de jours, folio, p105

Photo credit : JiSun LEE / 2016.05.11 / Étretat

< J’élargis ainsi ma mémoire consciente, en faisant appel à ma mémoire inconsciente, plus richement meublée d’ailleurs. >
- Sigmund Freud, Mémoire, Souvenirs, Oublis, Petite bibliothèque Payot, p130

< Sa mémoire est précieuse à l’homme. Elle lui sert à s’orienter dans le temps et dans l’espace. A se situer par rapport à lui-même et aux autres. A acquérir des connaissances et à les conserver pour en avoir l’usage quand il la sollicite. […] Elle fonctionne en permanence. Même quand il dort, elle ne fait pas vraiment relâche. Elle se débride tandis que la réalité et ses contraintes spatio-temporelles sont mises sur la touche. C’est alors que l’homme fait des rêves. Mais il s’empresse de les oublier, car dans ses rêves, derrière des scènes bizarres où se glissent souvenirs confus et souvenirs précis dans le moindre souci de chronologie, se laissent deviner des désirs qui se voulaient secrets même pour lui. Mais ils sont là et bien là, prêts à se révéler dès lors que, dormant, il perd le contrôle qu’il exerce – non sans difficultés parfois – sur sa mémoire à l’état de veille. >
- Sigmund Freud, Mémoire, Souvenirs, Oublis, Petite bibliothèque Payot, préface, p11

< De même que l’oubli de noms, l’oubli d’impressions peut s’accompagner de faux souvenirs qui, dans le cas où le sujet les considère comme des expressions de la vérité, sont désignés sous le nom d’illusions de la mémoire. >
- Sigmund Freud, Mémoire, Souvenirs, Oublis, Petite bibliothèque Payot, p150

Photo credit : JiSun LEE / 2016.10.16 / Toechon

< Notre mémoire dirige sur la perception reçue les anciennes images qui y ressemblent et dont nos mouvements ont déjà tracé l’esquisse. Elle crée ainsi à nouveau la perception présente, ou plutôt elle double cette perception en lui renvoyant soit sa propre image, soit quelque image-souvenir du même genre. >
- Henri Bergson, Matière et mémoire, GF Flammarion, p146

< Dans la perception concrète la mémoire intervient, et la subjectivité des qualités sensibles tient justement à ce que notre conscience, qui commence par n’être que mémoire, prolonge les uns dans les autres, pour les contracter dans une intuition unique, une pluralité de moments. >
- Henri Bergson, Matière et mémoire, GF Flammarion, p268

Photo credit : JiSun LEE / 2016.10.26 / Paris

< Il semble qu’il existe dans le cerveau une zone tout à fait spécifique qu’on pourrait appeler la mémoire poétique et qui enregistre ce qui nous a charmés, ce qui nous a émus, ce qui donne à notre vie sa beauté. >
- Milan Kundera, L’insoutenable légèreté de l’être, folio, p299

< Ce qu’ils se sont dit est oublié, mais un moment s’est fixé dans sa mémoire, un moment concret, gravé avec précision : assise sur sa chaise, elle a regardé intensément le nombril de son fils. Ce regard, il le sent toujours sur son ventre. >
- Milan Kundera, La fête de l’insignifiance, folio, 2015, p44

< Alain prit alors son portable pour appeler Madeleine. Mais le téléphone sonna et sonna ; en vain. Comme souvent dans des moments pareils, il tourna son regard vers une photo accrochée au mur. Il n’y avait aucune photo dans son studio ; sauf celle-là : le visage d’une jeune femme ; sa mère. >

- Milan Kundera, La fête de l’insignifiance, folio, 2015, p65